Quand ce reportage a été tourné au cabinet pour le magazine de la santé sur le sujet de la dépression du post partum, j’étais en toute fin de grossesse, enceinte de mon troisième enfant. J’allais revivre dans quelques jours un nouveau post partum. Et même si j’étais très heureuse d’enfin découvrir la frimousse de ma troisième merveille, je n’étais franchement pas pressée de repasser à nouveau par les méandres des suites de couche. Pas franchement enthousiasmée à l’idée de savoir que dans quelques jours, je ne serai plus que « l’ombre de moi même ».
La dépression du post partum est un sujet qui me tient particulièrement à cœur. Cette pathologie pourrait être tellement mieux prévenue. J’aime beaucoup ce beau proverbe qui dit qu’il faut tout un village pour élever un enfant. N’oublions pas que maman et bébé sont en miroir. Il faudrait donc également tout un village pour prendre soin de la jeune maman et l’aider à devenir mère. Si nous prenons mieux soin des mères en devenir, nous prenons également mieux soin de leurs bébés. Hors, malheureusement, en France, les femmes sont bien trop souvent isolées.
J’ai vécu 3 fois cette expérience maturante dans mon corps et dans ma tête et j’accompagne dans mon quotidien de sage-femme des femmes qui passent par ce 4ème trimestre, alors je ne vais pas vous mentir : ça secoue un post partum ! Ça nous remue et on en ressort différente.
Ce n’est pas rien que de vivre cela. Cette expérience est complètement banalisée alors que nous venons de vivre dans nos tripes la chose la plus dingue au monde : fabriquer un petit être humain. Il faut du temps pour se remettre de tout cela. Quelques semaines pour certaines, plusieurs mois pour d’autres, voire plusieurs années. Le corps en prend un coup. Et c’est un doux euphémisme. Hémorroïdes, bouffées de chaleur, douleurs aux seins, fatigue incommensurable … La liste des maux est très très longue. On est totalement en vrac ! Alors que l’on veut être opérationnelles à 400 % pour s’occuper de notre petit nouveau né, nous voilà totalement diminuées comme jamais. Nous voilà dans la peau d’une petite grand mère, et qui de plus est une petite grand mère qui a le moral dans les chaussettes.
Et oui, dans notre tête, c’est la tempête! Vive la chute hormonale ! Tout n’est pas noir. Tout n’est pas rose non plus. Voilà venue le temps de l’ambivalence : on est gens qui rient, et gens qui pleurent. Bienvenue dans le monde des montagnes russes émotionnelles. Nos pensées s’entremêlent et s’entrechoquent : “Il est si beau mon bébé ! Je n’ai jamais vu un bébé aussi magnifique !”. Et deux secondes après, nous voilà traversées par d’horribles idées morbides et culpabilisantes “Mais pourquoi j’ai fait un bébé ?”.
C’est tout cela devenir mère. Et plus on y est préparé, mieux on va le vivre.
On ne va pas se mentir. L’accouchement ne signe pas “la Happy end” comme dans les contes de fée mais bien au contraire, tout commence. Beaucoup de patientes se focalisent sur le moment T de l’accouchement, et me disent à posteriori : “ Mais c’est facile l’accouchement ! Si j’avais su… C’est l’après accouchement qui est terrible “. Nous sommes toutes différentes et nous allons toutes vivre à notre manière cette expérience singulière. Certaines seront plus touchées physiquement que psychologiquement. Pour d’autres, le moral sera au plus bas. Vous serez peut être en « down » complet. Dites-vous bien que c’est normal ! Vous n’êtes plus tout à fait la même car vous êtes malheureusement conditionnées par vos fameuses hormones. Et elles sont en pleine chute ! Vous ne vous reconnaissez plus. Pas de panique ! C’est complètement normal ! Le temps sera le meilleur remède.
Un peu plus de sororité nous aiderait probablement à mieux traverser ce tsunami psycho corporel. Mais il faut toujours montrer encore et toujours le visage de la mère épanouie et parfaite dans notre société. Le tabou transgénérationnel pèse très très lourd sur nos épaules. Heureusement, la parole des femmes se libère. Et certaines osent enfin dire la vérité sur la réalité du post partum.
Merci infiniment à Pauline et Sophie qui ont accepté de témoigner dans ce reportage. Elles font parties de ces femmes qui ont osé parler de leurs difficultés sans tabou et sans langue de bois pour aider les autres femmes.
Loin de moi l’idée de vous faire peur. Sachez que vous en ressortirez plus fortes, grandies. Et d’ailleurs, à moins d’être sadomasochiste, je n’aurais pas réitéré cette bouleversante expérience deux fois. Et quand je vois sur cette photo le visage d’ange de ma troisième petite merveille, je peux vous dire que ça n’a pas été facile tous les jours mais finalement, ça en valait terriblement le coup.
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