Lien vers l’article publié sur le site Web Magic maman
Cet article a été rédigé pendant le premier confinement.
De retour à la maison, en cette période de joie intense mais aussi de fragilité et de fatigue pour les familles, les mamans s’interrogent. Nous faisons le point avec Rachel Halimi,sage-femme libérale travaillant également à la maternité de Port-Royal. Elle nous explique ce qui change pour les mamans, mais aussi dans son quotidien et donne quelques conseils pour bien vivre cette période exceptionnelle.
Qu’est ce qui diffère en cette période de confinement pour le retour à la maison ?
À l’heure actuelle, on continue de faire un suivi après l’accouchement, l’accompagnement se poursuit comme avant mais il est recommandé d’écourter le séjour à la maternité, déjà parce que dans certaines maternités, le conjoint ne peut pas rendre visite à la maman et au bébé et c’est une séparation difficile (il assiste seulement à l’accouchement), mais aussi parce que les séjours plus longs augmentent le risque de contamination dû à un contact élevé. Donc les maternités insistent pour que l’on propose aux mères une sortie précoce, c’est-à-dire au bout de deux jours.
En écourtant le séjour en maternité, n’y a t-il pas de risques pour la maman ou le bébé ?
Pour cette sortie au bout de 48 h, il faut que tout le monde soit d’accord évidemment. On recommande une sortie précoce dans leur intérêt mais si on observe des difficultés d’allaitement, des difficultés psychologiques, en cas de contre indication médicale, on ne les laisse pas sortir, on les accompagne tout le temps nécessaire.
De retour à la maison, comment s’organise le suivi pour les soins de la maman et de bébés ?
Si la mère peut venir au cabinet sans avoir besoin de prendre les transports en commun, si elle a une voiture ou qu’elle peut prendre un VTC, on préconise qu’elle vienne en consultation au cabinet. Il est tout simplement beaucoup plus difficile respecter les procédures d’hygiène à domicile, surtout lorsque nous avons plusieurs visites à la suite. C’est avant tout pour les protéger elle. Mais je reconnais que ça demande une organisation supplémentaire. Quand il y a des soins particuliers comme par exemple enlever des agrafes à la suite d’une césarienne, il n’est pas envisageable que les mamans se déplacent car elles ont subi une intervention chirurgicale, leur mobilité est réduite.
Qu’est ce qui change au niveau du suivi post-accouchement ?
En tant que sage-femme libérale, on réaménage le planning différemment et on optimise les suivis en évitant de faire des doublons. On fait les préparations à l’accouchement en visioconférence, le suivi au cabinet plutôt qu’à la maison lorsque cela est possible, mais ce que l’on ne fait pas ce sont toutes les consultations gynécologiques non urgentes et les séances de rééducation périnéale.
Ces deux derniers mois, toutes les séances de rééducation du périnée ont été annulées, j’ai dû couper le contact avec ces patientes là mais c’est un travail de reconsolidation très important du corps, il va falloir les reprogrammer.
Deux mois après l’accouchement c’est aussi un temps important pour prévenir les dépressions post-partum, c’est une période d’accompagnement que nous ne nous pouvons pas faire en ce moment car il n’est pas jugé prioritaire alors qu’il est nécessaire.
Accordez-vous une vigilance particulière sur l’aspect psychologique de la maman en cette période de pandémie?
Oui bien sûr, en plus les mamans que je suis actuellement, je les connais bien, j’ai fait leur suivi médical pendant la grossesse. On s’adapte avec notre sensibilité professionnelle, on sent tout de suite les femmes qui ont besoin qu’on soit présente comme pour les mamans césarisées ou pour l’allaitement. Il faut surtout s’adapter au cas par cas et bien garder le contact avec les patientes.
Sentez-vous les mamans plus stressées avec le coronavirus ?
J’étais très surprise au début, même bouleversée quand j’ai appris que les femmes allaient être séparées de leur conjoint juste après l’accouchement. Je trouvais ça terrible, d’autant plus que le père a le même titre d’autorité que la mère : pourquoi n’aurait-il pas le droit d’assister au premier jour de vie de son enfant ? Pour certaines femmes c’était très difficile. Mais finalement je trouve que cette période de confinement a du bon pour les jeunes mamans : le fait de ne pas avoir de visite à la maternité, les sage femmes en suite de couche sont peut être un peu plus disponibles, plus à l’écoute, elles accompagnent davantage et les mamans sont plus « dans leur bulle ». Elles ne sont pas parasitées par les visites parfois fatigantes de l’entourage.
A la maison, comme le père peut faire du télétravail, il est plus présent auprès de sa femme et ne la quitte pas pour retourner sur son lieu de travail.
Certaines mamans très angoissées ont projeté des situations négatives pendant la grossesse, mais elles s’apaisent ensuite quand elles rentrent chez elle. Pour les femmes enceintes, elles peuvent éviter les déplacements lorsqu’elles travaillent encore, donc plus de repos pendant cette période de confinement. En plus, du côté des professionnels de santé, pour l’accompagnement des mamans, il n’y a pas de pénurie liée au coronavirus, nous sommes bien présents pour s’occuper d’elles.
Rencontrez-vous des difficultés que vous n’auriez jamais imaginé auparavant ?
Les quinze premiers jours du confinement, il y a eu un vent de panique où il était extrêmement difficile de répondre à toutes les demandes par mail, téléphone. On a dû se rendre très disponibles. De plus, beaucoup de femmes sont parties en province, et de ce fait, les suivis ont été morcelés et j’ai eu un peu peur de ne pas pouvoir accompagner au mieux. Je travaille aussi à la maternité de Port-Royal et on a dû annuler des consultations. Alors, j’ai mis en place des visioconférences pour la préparation à l’accouchement, qui fonctionnent très bien par ailleurs, même si rien ne vaut la consultation médicale : on doit pouvoir palper un ventre, écouter les battements du cœur.
Arrivez-vous à exercer sereinement ?
L’autre difficulté en tant que soignant et sage-femme, c’est le manque de masques : pas de distribution alors que l’État préconise 6 masques par semaine. J’étais déstabilisée et désarmée quant au traitement réservé à la profession de sage-femme qui sont mises de côté. Protéger les femmes, leurs bébés, leurs fœtus et nous-mêmes est indispensable selon moi. On doit continuer à travailler pour veiller à ce que cet événement de « la naissance » reste heureux.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes parents pour aborder ces premiers jours de parentalité dans cette période extrêmement anxiogène ?
Se couper du monde et se mettre vraiment dans sa bulle avec son bébé. Comme on est beaucoup plus vulnérable et sensible émotionnellement dans cette période, il ne sert à rien de regarder les informations qui tournent en boucle sur le coronavirus. Il faut également continuer de sortir : le chef de l’État l’a bien dit, on peut sortir une heure par jour, c’est essentiel pour la santé physique et psychique. Il ne s’agit pas de sortir dans des endroits à risques comme les lieux publics, pharmacies ou boulangeries, mais de sortir faire une vraie promenade ressource, même avec le bébé. Il faut remettre en route la circulation sanguine pour éviter d’autres problèmes post-partum (prise de poids, trouble veineux).
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